« Lequel d’entre vous, s’il a cent brebis et vient à en perdre une, n’abandonne les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour s’en aller après celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvée ? » (v. 4). Il s’agit d’un paradoxe qui pousse à douter de l’action du pasteur : est-il sage d’abandonner les quatre-vingt-dix-neuf brebis contre une seule ? Et qui, de plus, ne sont pas en sécurité dans une bergerie mais dans le désert ? Selon la tradition biblique, le désert est un lieu de mort où il est difficile de trouver de la nourriture et de l’eau, un lieu sans abri et en proie aux fauves et aux voleurs. Que peuvent faire quatre-vingt-dix-neuf brebis sans défense ? Le paradoxe se poursuit cependant, car il est dit que le pasteur, une fois la brebis retrouvée, « la met, tout joyeux, sur ses épaules et, de retour chez lui, il rassemble amis et voisins et leur dit : Réjouissez-vous avec moi » (v. 6). Tendu vers cette unique brebis, il semble oublier les quatre-vingt-dix-neuf autres. Mais en réalité, il n’en est pas ainsi. L’enseignement que Jésus veut nous donner est plutôt qu’aucune brebis ne doit se perdre.
Nous devrions réfléchir plus souvent sur cette parabole, car dans la communauté chrétienne, il y a toujours quelqu’un qui manque et qui s’en est allé en laissant la place vide. Cela est parfois décourageant et nous conduit à croire qu’il s’agit d’une perte inévitable, d’une maladie sans remède. C’est alors que nous courrons le danger de nous enfermer dans une bergerie, où il n’y aura pas l’odeur des brebis, mais la mauvaise odeur du renfermé ! Et les chrétiens ? Nous ne devons pas être fermés, car nous sentirons la mauvaise odeur du renfermé. Jamais ! Il faut sortir et ne pas se refermer sur soi-même, dans les petites communautés, dans les paroisses, en se considérant comme « les justes ». Cela arrive quand manque l’élan missionnaire qui nous conduit à rencontrer les autres. Dans la vision de Jésus, il n’y a pas de brebis définitivement perdues, mais seulement des brebis qui doivent être retrouvées. Nous devons bien comprendre cela : pour Dieu, personne n’est définitivement perdu. Jamais ! Jusqu’au dernier moment, Dieu nous cherche.
Extrait du discours du Pape François – 6 mai 2016
Cet extrait du discours du Pape François donné le 4 mai 2016 lors d’une audience générale, soulève bien des réflexions. C’est un peu l’axe de discussion qu’emprunte la table ronde de la vidéo « les 99 brebis de nos paroisses » lors du Congrès Mission 2020. Pour en parler, c’est le Père Luc Pialloux, le Pasteur Julien Coffinet et Maëlle de Portzamparc, une laïque, qui prennent la parole.
Maëlle nous témoigne de son expérience, au sein de sa paroisse. Elle observe de nombreux parents venant à l’Église pour demander le baptême pour leur enfant. Ces couples sont des inconnus au catholicisme, ils ne viennent jamais à la messe, et après la préparation au baptême, ne reviennent jamais. Mais Maëlle et le reste de l’équipe se font un point d’honneur à ne pas perdre le contact avec ces couples. Ils les relancent à plusieurs occasions durant l’année, pour prendre des nouvelles, les inviter à des messes spéciales telles que les « dimanche autrement ». Ils ont rencontré ces couples sur plusieurs mois plusieurs fois par mois, un dialogue s’est mis en place, une rencontre est née. Alors Maëlle et ses collègues l’entretiennent. Et c’est ainsi que, parmi de nombreux couples qui ne donnent pas suite, il y a ce couple, qui est venu pour son premier enfant. Ils ne restent pas indifférents aux mails qu’ils reçoivent sans forcément donner suite. Jusqu’au jour où ils reviennent, pour le baptême de leur deuxième enfant. Le contact s’intensifie, ils acceptent une messe, deux messes… Et les revoilà pour la demande de baptême de leur troisième enfant. La messe des familles devient leur routine, ils sont familiarisés et intégrés.
« L’Évangélisation, c’est d’abord une relation vraie et profonde. »
La moisson est abondante, déclare Maëlle, mais avons-nous assez d’ouvriers pour la récolter ? Les gens qui attendent qu’on vienne les chercher il y en a, des personnes en manque de réponses, en besoin de dialogue, cela n’en manque pas. « Mais seule, je n’aurais jamais réussi à fidéliser ce couple, seule, j’aurais perdu la motivation bien avant ». Il faut être plusieurs, et surtout, il faut être ensemble pour aller à la rencontre des autres. Main dans la main, car seul, on ne fait rien.
Le Père Luc Pialloux relate l’extrait d’un discours qui l’a beaucoup touché.
Il y était dit qu’il y a 3 cercles de personnes au sein d’une Église :
Les chrétiens fidèles, qu’il faut nourrir au quotidien.
Les chrétiens un peu plus en « périphérie » qui n’ont pas encore vraiment trouvé une parole qui leur parle, qui se posent des questions, auxquelles il faut apporter des réponses.
Et enfin, les autres. Ceux qui n’ont jamais entendu parler de Jésus.
Ce troisième cercle, ceux qui ne connaissent pas Jésus, qui n’ont jamais entendu sa parole, c’est ce troisième cercle le plus important. Il est presque nécessaire d’abandonner les fidèles, pour aller à la rencontre de ceux-ci. C’est un choix difficile, mais peut-être nécessaire. Un équilibre est à trouver.
Père Luc Pailloux nous raconte une parabole qu’il apprécie. Celle-ci raconte le récit d’un homme, qui raconte que son père était le meilleur pêcheur qu’il ait pu connaître dans le monde. « Il pensait comme un poisson. Il savait exactement où se trouvait un poisson à chaque heure précise et ce qu’il cherchait. » Ainsi, son père allait, non sans mal, sur les points de pêche avec les appâts parfaits et revenait avec des prises abondantes. Lui en revanche, conclut l’homme du récit, était le pire pêcheur du monde. Car contrairement à son père, il se contentait de faire ce qu’il aimait, c’est-à-dire, lancer la ligne. N’est-ce pas là ce que font les paroissiens et les prêtres ? Se contenter de ce qu’ils ont ?
Le pasteur Julien Coffinet rebondit, et témoigne également de son expérience. La rénovation de l’Église passe aussi de l’intérieur. « Arrêtons de nous croire les bons pharisiens, allons sauver les autres. Peut-être sommes-nous aussi des brebis égarées ? Nous ne sommes plus dans la parole mais dans le confort. »
Julien Coffinet conclut sur ces expériences, lorsque l’on se réunit pour se motiver, pour « se chauffer », nous instaurons un cocon confortable et chaud. Cela nous dissuade d’en sortir pour aller vers les autres. Nous en revenons aux paroles du Pape François, qui nous parle de danger de nous enfermer dans une bergerie, où il n’y aura pas l’odeur des brebis, mais la mauvaise odeur du renfermé. Il faut se lancer, immédiatement, et parler. Parler tout de suite avec tout le monde, afin de comprendre quels sont les vrais problèmes, et non les suppositions que l’on imagine.
L’amour et la connaissance des gens sont essentiels, pour aller à leur rencontre. Il faut sortir de sa zone de confort, il faut apprendre. N’est-ce pas cela la grâce ? N’oublions pas que la Bible est une mine de paraboles sur lesquelles il faut réfléchir, se remettre en question et apprendre. Encore et toujours. Rien n’est acquis, tout est à réfléchir dans l’amour et la fraternité.
N’hésitez pas à écouter la vidéo, pour aller plus loin et réfléchir à ce qui vous freine, que vous soyez le chrétien fidèle, le chrétien en périphérie ou la personne en quête de dialogue.